" Où sont les femmes ? ", épisode 3

La grande série métaphysique à suspense de l’Huître Défaite.

 

Je m’appelle John P. Potter, Je suis consultant.
Je suis bon, je suis très bon, On m’appelle, on me rappelle.
Je suis riche. J’ai une belle voiture, une grande maison, des costards sur mesure, une montre en or. Dans mon métier, les apparences sont fondamentales.
Je fais du sport. Je m’entretiens. Je vais dans un centre de remise en forme / cosmétique chaque samedi : Je suis beau.
Les femmes devraient être folles de moi.
Mais il n’en est rien.
Je suis célibataire. Je suis seul.
Un paradoxe des temps modernes.
Je dois comprendre. Quoiqu’il en coûte.

 

 

Jour 3.

10h

Déjà deux dossiers et 374 nouveaux chômeurs de torchés, et je n’arrive plus à me concentrer. C’est pas en restant le cul sur la chaise que je vais arriver à " quelque chose " dans " la vie ".

" Sabine, je vais faire un tour. "

" Très bien John… vous avez rendez-vous avec G. Duppleton pour déjeuner à 12h30. "

Tiens elle m’appelle John maintenant, qu’est-ce que c’est que ces familiarités ?! Ah oui, je l’ai draguée y a deux jours. Bon.

" Dîtes lui que je ne pourrais pas. Dîtes lui que je suis parti à la chasse. "

" A la chasse ? Mais ça fait la troisième fois que vous décalez ce dîner… "

" Ben oui. Dîtes lui qu’étant parti à la chasse, j’ai perdu ma place au restau. "

Je suis trop drôle. Non, vraiment. Comment on peut être célibataire avec un humour pareil ? Je vais bientôt en avoir le cœur net.

" Bon, je trouverai quelque chose… "

" A plus tard ! "

Lunettes de soleil, cheveux au vent, un tour dans la jag’.
Tiens une ptite en roller… pourquoi pas ?

" Salut ma jolie ! Je t’emmène faire un tour dans la jag’ ? "

" Ca dépend, vous m’emmenez où ? "

" Un endroit formidable. Tu vas adorer. "

" Je me méfie… "

" De quoi ? Je ne suis pas armé ! Et je ne mordrai pas… trop fort ! " (Powers, 2000)

" Pourquoi pas ! "

Et c’est parti. Main droite sur le dossier de son fauteuil. Pouce qui commence à caresser " discrètement " le dos, sourire de rigueur.

" C’est quoi ton ptit nom ? "

" Jocelyne. "

Ben putain.

" Jocelyne, c’est ton jour de chance ! "

10 minutes plus tard à proximité d’une petite plage.
Main gauche descend en caressant bras et épaule, se pose négligemment sur cuisse gauche à hauteur critique (au point d’équilibre entre le trop haut (zone à baffes), et le trop bas (zone à chatouilles)).

" J’aime à venir ici de temps en temps, c’est si beau et calme. Tu sais, avec mes responsabilités, j’ai vraiment besoin de m’éloigner de temps en temps… et tu es ici avec moi, Jocelyne, et j’en suis enchanté. Une vraie sirène dans ce voluptueux paysage marin… "

Hop, autoradio : romantik FM.
Petite caresse circulaire sur cuisse, sourire.
La petite semble ne pas savoir comment réagir.
Remontée du bras droit autour de ses épaules, rabat de la main gauche à proximité.

" Jocelyne, tu es ravissante. "

Caresse dans les cheveux.

" Hihi.. merci. "

" Jocelyne, Il faut laisser faire la nature. " (Darwin, 1859)

Et hop, j’emballe. Baiser sur les lèvres.
Shmak.

SMAK.
Aïe.
Elle y va pas de main morte avec les gifles.

" Vous n’êtes qu’un vieux pervers ! "

M’enfin mais elle s’attendait à quoi en montant avec moi ? Y a pas marqué secours populaire, là !

" Allons Jocelyne, du calme, je ne te veux aucun mal. Je ne fais que faire honneur à ta beauté, qui… "

Main sur cuisse.
Slap ! Et l’autre côté !
Je dois être tout rouge.

" Jocelyne il suffit ! Ma patience a des limites ! Aimons-nous, enfin ! Il ne faut pas avoir peur du lendemain et… "

Sklac !
Aïe. J’en ai la larme à l’œil. Et elle s’en est allée sur ses rollers.
Ce qu’on peut être susceptible à 16 ans…

 

Bon, suivante, ne pas perdre le rythme. Allons là où sont les femmes : le centre commercial.
Changement de stratégie, plus animal. Tiens, une grande aux longs cheveux châtains, là-bas, l’air pas farouche. Approche discrète par l’arrière, de trois quarts… et hop c’est parti. Prise en main bien ferme de la fesse droite, caressante et rotative de Pi/9.

" Nan mais ça va pas, non ! "

" Vous êtes belle quand vous êtes en colère, je m’appelle… "

" Raymond y a un monsieur qu’est pas correct avec moi ! "

" Euh… bonjour, je euh… pas du tout… je … "

" Monsieur est pas correct, hein… "

" Lâchez ce costume tout de suite, C’est du Saint-Laurent. "

" Ecoute un peu ptit merdeux, on embête pas ma copine impunément. "

" Lâchez moi tout de suite. "

" Non, tu vas d’abord m’écouter ! Tu te… "

Coup de genou dans le bide, coup de coude sur le haut du crâne, coup de pompe dans les côtes, et juste le temps de filer à la voiture avant que la sécurité n’intervienne.
Non mais alors ? Un costard à trois plaques ! Il est fou ou quoi ? Et puis quand on a une copine qui s’habille comme une pute, faut pas faire l’étonné.
Allez, suivante pendant que je suis encore d’humeur.

 

Direction : le pays de la sauvageonne : la banlieue.
Mais d’abord relookage survet sergio tachini, baskets, cuir.
Et voilà, pas cinq minutes dans la zone que se présente la dite sauvageonne, étincelante de vulgarité cosmétique et vestimentaire.

" Hé Tasspé ! Hé viens voir ! VIENS VOIR J’TE DIS ! "

" Tu veux quoi bâtard !? "

" Sans déconner t’es trop mignonne et tout, viens on va ken dans la Jag, baby ! "

" Oh l’aut’ sans déconner c’te bouffon et tout ! Il a cinquante ans il veut faire le goss beau. Va mourrrrrir ! "

Sauvageonne, juste comme décrite dans le Dugent (Dugent, " La bonne sauvage ", 1876).
Bon, montrons un peu qui est l’homme. Je t’attrape ça par le bras bien fort et je la traîne jusqu’à la voiture.

" Bon écoute tu m’as pas bien compris là. Je te demande pas, je te dis. Tu viens avec moi ! Qu’est-ce t’en as à foutre ? Tu préfères te prendre la bande à Kader dans la tournante de demain soir ? Tu fais tiépi sérieux, moi je te traiterai bien et tout. Alors tu fermes ta gueule et tu t’assois ! "

" C’est quoi ces conneries putain ! Chuis pas une pute ! Connard ! "

Bon, je ne relèverai pas le crachat au visage, mais je suis à deux doigts de m’énerver, là.
Allez, dernier atout et j’abandonne.

" Attend tu sais pas ce que tu rates. J’ai un keutru dans le slaïp tu croiras même pas, trop mortel. Tu vas grimper aux rideaux comme une chienne, ma parole j’te promet tu vas kiffer les vaïbz dans ton cul et tout. "

C’était quitte ou double…
Slap !
Et une grosse baffe dans ma tête, et elle se casse.
Mais comment ils font les keums de la téci ?
Ca doit être la chaussette… j’ai pas du rentrer le pantalon de survet dans la bonne chaussette…

 

Bon, que reste-t-il ?
Dernier recours, l’endroit habituel, le bar.
Aller dans un bar bien pourri où des divorcées dépressives viennent claquer leurs allocs dans la bière.
Relookage : Santiags, Jeans, Cuir.
Un tour dans les quartiers ouvriers…
Tiens, " A la bonne chopine ". Bingo.
Première petite table sur la droite en entrée, une mégère blondasse décoiffée, en jeans, le regard perdu dans les vapeurs de Kronenbourg.
Showtime.

" Pas le bon jour, hein ? "

" Tu l’as dit, vieux. "

" Allez, je te paie la prochaine. "

" J’t’ai rien demandé ! "

" J’insiste. On pourra discuter. "

" Discuter ? "

" C’est que t’as de beaux restes poupées. Je peux te faire oublier tous tes malheurs… "

" Sans déc… "

" Sans dec. Passe à la maison. "

" C’est quoi, ça, passe à la maison ? On s’connaît ? "

" Non, je m’appelle Robert. "

" Micheline. "

Dieu que c’est laid.

" Micheline, c’est peut-être ton jour de chance. "

" Dis toujours… "

" Tu me plais, je suis riche… "

" Si tu étais riche tu viendrais pas dans un endroit pareil. Des conneries, tout ça… "

Bon allez, ne tergiversons pas, je lui montre une liasse.

" Mate ça. "

" Mazette ! Tu viens de casser une banque ou quoi ? "

" Moins fort, Micheline… bon, je disais donc, à notre age, ne perdons plus de temps en bavardages… aimons-nous Micheline. "

" T’as vraiment du culot mon salaud… mais j’en ai vu d’autres, et puis qu’est-ce que j’ai à perdre hein ? Mon mari est mort, je peine à élever mes trois enfants, que la DAS va bien finir par me prendre LES ORDURES ! Buvons un coup, putain. A notre rencontre, " Bob le milliardaire. " "

" Bon, d’accord, mais juste un, hein… c’est que je suis pressé… "

" Tu es pressé ! Si tu veux m’avoir, tu t’assois et tu prends ta binouze comme tout le monde, HEIN GERARD ! "

Le barman s’extrait péniblement de la page des sports de son quotidien local.

" Que ouais, de dieu ! J’fais roter la mousseuse ! "

Encore 30 minutes dans cet endroit et je craque… bon, rester fort. Dans maximum deux heures, je serai fixé, je pourrai retourner à mon bureau, finir les dossiers l’esprit clair, reprendre une vie saine. Ne pas craquer.


31 minutes et 4 pintes plus tard.

" Burp ".

" Burp. Héhéhéhé "

" Héhéhé. "

" HéhéhéHAHAHAH "

" HAHABurp. Ouarf. Pffff. "

" Robert, je suis trrrrrés content’ de t’avoir fait connaissance d’avec toi, aujourd’hui… "

" Nan, c’est moi Josianne… "

" Micheline… Paske tu sais aujourd’hui, je buvais paske je suis une mauvaise mère. Mais maintenant c’est fini tout ça, hein… "

" Burp… c’est où les chiottes ? "

" Au fond à droite ! Héhéhééééé "

" Je reviens tout de suite… "

Putain j’en tiens une sévère. Mais ils mettent quoi dans leur bière, ici ? Bon, elle est ivre morte, c’est une question de minutes.

" Allez Francine, on y va, mon carrosse t’attend ! "

" Et C’EST PARTI ! "

Blomp. Merde elle tient plus debout. Bon allez, je la porte…
Plus que 10 mètres. 5 mètres. 1 mètre.
Heuarrrrr.
Je rêve où elle a vomi sur la jag’ ???
Bon, on se ressaisi, on y va et on la tiens bien.

" Suis une Mauuuuvaise mère. "

" Mais non, monte dans la voiture… "

" Non, je veux pas… je veux mes petits nenfants… ils vont revenir de l’école… "

" Mais non, monte dans la voiture. "

" Vous embêtez pas, m’sieur c’est chaque fois la même histoire ! Laissez, je vais la ramener chez elle, n’avez qu’à lui laisser votre numéro, croyez moi, elle vous rappellera ! "

" Ah euh… bon. "

Et merde.
J’étais à deux doigts de conclure.

 

La flemme. Marre de ces conneries. J’ai plus la patience.
Ultime, dernier recours : Les professionnelles.
Qu’on sache.
Je me rends donc au bois, au volant de ma voiture. Je regarde sur le trottoir, les donzelles en minijupe qui se dandinent.
Vais-je vraiment m’abaisser à ça ?

" Bonsoir Mam’zelle, c’est combien la passe ? "

" 50 euros. "

" Monte. "

Bon, ben voilà. Ce coup-ci, c’est le bon.

15 minutes plus tard, dans la chambre à coucher d’un hôtel sordide, nous sommes allongés sur le lit à s’embrasser et à nous tripoter. Je la déshabille furtivement, faisant glisser la robe, dégageant le soutien gorge… comment on enlève ce bordel ?
Bon, je glisse ma main en dessous, un, deux seins, comme on avait dit…
Elle sent plutôt bon, je fais glisser ma main, elle a la peau douce, elle porte du satin (ou du nylon, peut-être, je ne saurais dire), elle a…
Un doute m’étreint…
Je saute dans mes bottes, puis dans la jag, et je fonce chez moi.

Encyclopédie Universalis A, B, C, D…, ah, F.
Fion, Félicité, Fesses, voilà : Femme…
Blablabla… sexe féminin, blablabla caractéristiques techniques, voilà… deux seins, deux reins, deux yeux…
Damned !
C’est bien ce que je pensais : les femmes n’ont pas d’organes sexuels externes !!!
Mais alors c’était donc un homme !
Un homme avec des seins, comme c’est étrange… dans quelle époque vit-on ???
Bon, ça s’annonce plus compliqué que ça en avait l’air…
C’est reparti. Retour dans ce haut lieu de la prostitution…
Je me gare dans un coin, et décide d’y aller pédestre (et comme qui dirait, le pédestre, c’est pas pour les pédés, hahaha, elle est excellente ! Quel humour !).

Mais alors que faire ?
Comment différencier un homme avec des seins d’une femme ?
La voix, c’est pas très fiable… la pilosité non plus… la corpulence éventuellement, quoique…
Y a juste…

" Mademoiselle, s’il vous plait ? "

" Oui ? "

Paf, direct main à l’entrejambe, et on serre.
Et merde.

" Non mais ça va pas ! Salaud va ! "

Coup de pied in the spot. " Elle " s’écroule par terre, pliée en deux.
Suivante…

23h45 retour à la maison.
Toutes testées, toutes couillues.
Mais comment est-ce possible ?
Quel horrible secret se cache derrière tout ça ?
La " vraie femme " se cacherait donc parmi des hommes déguisés, tapie dans l’ombre… elle serait encore plus inaccessible que je ne pensais ?

Il va falloir y réfléchir tenter de nouvelles tactiques rusées…

Dodo.

 

 

 

 

 

 

Xi