"Manuella", le premier Opéra-Soap par écrit

Une exclusivité de l'Huître.

Chers lecteurs, l'Huître a l'honneur et le grand plaisir de vous inviter à l'opéra. Nul besoin de smoking, gomina ou même de rasoir, car cet opéra tout particulier est un opéra par écrit. Libre à vous donc de le lire en calbute et marcel, en mangeant du fast food et en vous grattant là où ça vous démange quand ça vous démange.

Bien que l’intérêt d'un opéra réside en grande partie dans la qualité de sa composition et de ses interprètes (resp. de votre capacité à imaginer ses compositions et ses interprètes), l'Huître vous propose un petit résumé de l'histoire, toujours difficile à saisir du fait de l’élocution si particulière à ce genre.

Le roi Paolo est soucieux. Sa fille Manuella est d'une laideur qui fait honte à sa lignée, et il n'ose la sortir. Il lui ment depuis sa plus tendre enfance quant à l’intérêt du monde extérieur (très surestimé) et ses dangers. Manuella, qui a développé avec la puberté une pilosité exubérante, s'interroge de plus en plus sur le monde. Elle se lasse de la vie de château ; le soleil, les fleurs, les abeilles, les bourgeons, et les hormones aidant, elle aspire à "l'amour", comme décrit dans les différents livres et revues qui peuplent ses loisirs.

Dans une tentative désespérée de répondre aux besoins de son unique nenfant, le roi Paolo lance une grande campagne de recrutement auprès des princes célibataires de tous les royaumes alentour, vantant entre autres l’alléchante dot de sa fille et les multiples avantages en nature d'une telle alliance.

L'opéra commence alors que Paolo est parti déjà depuis un bon moment et que Manuella n'en finit pas d'être lasse.


Acte I

Lever de rideau. Une musique bucolique s'élève.

(cliquez ici pour profiter de la musique bucolique...)

Cour du château, une belle matinée de printemps. Une grosse dame moustachue se promène dans une longue robe de soie rose, suivie d'une dizaine de jeunes filles vêtues de robes aux couleurs vives. Elles sont souriantes et heureuses.
La musique se fait allègre et légère.

La grosse dame, qui se trouve être la princesse Manuella, chante que les fleurs sont formidables, et qu'il fait très beau aujourd'hui. Elle ajoute qu'elle vit au château depuis sa plus tendre enfance et que son père ne la laissera sortir qu'à son mariage, et que ça devient relou.

Ricardo, un valet arrive, il à l'air sévère et soucieux. Il porte une large veste et un collant, le tout noir. Ses cheveux gominés brillent sous les projecteurs. La musique s'assombrit légèrement.
Il chante que la princesse devrait rester à l'intérieur, que le soleil est mauvais pour sa peau. Il ajoute qu'il faut prendre patience, se remettre à la broderie, par exemple.

Les courtisanes dansent gracieusement autour de Manuella. La musique se fait plus saccadée. Postillonnant copieusement, Manuella répond:

"Ah lala!! Ahlalaaaaaaa!

Quelle vie mené-je lààààà!

Ne quitterai-je ce château qu’à mon trépaaaaaassss? "

Elle porte le revers de sa main à son front et fait mine de se trouver mal. Deux jeunes filles visiblement inquiètes, l'une vêtue de bleu ciel, l'autre de jaune pâle, s'avancent et la soutiennent.

" Ah lala! Oh oh ooooohhhhh!

Quelle vie morne en ce châteauuuuuu!

Quand donc arrivera mon hérooos?"

Les jeunes filles lui prennent la main de façon rassurante. Visiblement, pas avant d’avoir perdu dix kilos et cette vilaine moustache, semblent-elles exprimer.
La musique s'assombrit légèrement, se ralentit. S’essuyant le visage, Ricardo s'explique:

"Vooooootre père le Roiiiiii, (NDLR : Rime en ‘A’, suivez un peu, nom de dieu)

Veut que vous soyez tout à fait prêeeeeeeteeeeeeuuuuuu,

Il est depuis des mois et des moiiiiiiiiiiis,

A la recherche d'un prétendant honnêeeeeteeeeu

Prenez patieeeennnceeeeuuu!"

Les musiciens s'énervent, la musique s'agite. Manuella, visiblement excédée, hurle, arrosant les deux premiers rangs:

"Ca va faire 17 ans que j'atttteeeeennnd,

Et l'ennui est tellement présennnntttt,

Encore commmbieeenn de teeeemmmps, commmmbien de teeemps,

Avant mon accouplemennnnnntt?

Le jardin est toujours merveilleeeuuuuuxxxx

Mais le jardinage, ça va bien cinq minuuuttteeeeeeuuuu

Tous les garçons et les filles de mon aâaaaaaggggeeeeuuu

Gambadent déjà deux par deeeeeuuuuux

Alors pourquoi pas Moiiiiiiii?"

Ricardo s’exaspère. A ce moment les portes du château s'ouvrent. Entrent le Roi, et une ribambelle de jeunes hommes en collant. Le roi vient aux nouvelles:

"C'est quoi ce bordeeeeeeellleuuuuuu?

Je vous entends beugler de l'autre bout du mondeeeeuuuuu!"

La musique se fait plus guillerette. Manuella sourit, et accueille son père d'une aria bien sentie sur le besoin de liberté, la volonté d'être aimée, l'appel d'un ailleurs, et le fait qu’elle n’a plus rien à se mettre (comme vêtements, NDLR).
Le Roi écoute attentivement les revendications de sa fille. Il sourit largement, désignant les hommes en collant à sa suite.

"Je t'ai ramené les plus beaux gentilhooommmmeeess

Que j'ai trouvé au royauuuuuuummmme!"

Manuella est heureuse, l'orchestre aussi, qui d'un passage au flutiau, qui d'un peu de harpe, exprime sa joie. Elle saute au cou de son père, et lui vrille les tympans:

"C'est formidableeeeuuuuu,

Le choix sera duuuuurreeeeeeeeeeuuu,

Mais je suis suuuuuuuurreeeeuuuuu,

D’y trouver mon Clark Gabbbbleeeuuu!"

Baisser de rideau, fin de l'acte I. L'orchestre fait silence.
De l'autre côté du rideau, on entend Paolo:

"Et rase moi cette moustaaaacheeeeuuuu,

Je t'ai déjà dit mille foiiiiiis,

Ca rebute les messieeeuuuuurs,

Ca le fait vraiment paaaaaas."

Entracte.

Deux couples s'avancent devant le rideau. Ils viennent de faire les courses et portent des paquets. L'orchestre joue une musique d'ambiance type ascenseur.

"Nathalie, quelle coincidenceeeeeuuuu!", entame la première.
"Virginie, comme je suis heureuseeeeuuu!", reprend la seconde.
Les hommes échangent une poignée de main cordiale.
"Ooh! Mais que vois-jeeeeeuuuu!
Ton mari a des pelliculeeeeeuuuuu!"
, observe Virgine, visiblement horrifiée, alors que la musique se fait stridente et tourmentée, genre Psychose.

"Oui, c'est terribleeeeeuuu!
J'ai tout essayéééééééeeeeeeeuuuuu,
Quelle chance tu as d’avoir un mari au cheveu netteeeeuuu !"
, se lamente Nathalie.

L'homme pelliculeux se prend la tête dans ses mains. Sa femme le prend dans ses bras, essayant de le réconforter. Virginie s’exclame alors, sur un flamboyant rugissement de trompettes :

"C'est que moi je lui laaaaveeeeeuuuuu,
Chaque jour la tête avec ce Shampoiiiiiinnng!"
, remarque Virginie, qui sort une grosse bouteille de shampoing de son sac à provisions.
"Ce shampoiiiiiinnng!!!", s'exclame Nathalie, reprise en chœur par les hommes.
"Oui, ce shampoiiiiiinnng!", confirme Virginie.

La musique entame une montée dans les aigus.

"Ce shampoiiiiiinnng, c'est Antipelliculaaaaaaarrrr,
Des laboratoires Granieeeeeeers!!!"
, chantent ils en chœur (bis).

Coup de cymbale.

La contrebasse et le triangle entament un groove moderne.
Un jeune homme habillé tendance déambule, téléphone portable à la main. Un homme en collant gris monte sur scène, et se lance dans un oratorio "off".

"Cet homme ne connaît pas les tarifs ARP télécoooooommeeeeuuuuu!

Il appelle sa fiancée au bout du mondeeeeuuuuu!

Et perd tout son argent au téléphoneeeeuuuu!

Il ne se doute paaaaaaaaas

(Non, il ne se doute paaaaaaaaas, reprend à contre temps un chœur féminin)

Qu'il pourrait économiser cinquante pourceeeeeeeents

(Cinquante pourcents! Confirme le chœur en canon)

Sur tous ses appels internationnnaaaaaux.

(Internationnauuuuuux ! ! ! !)

Et qu’en plus il est coccuuuuuuuuu...

(Cocuuuuuuueeeuuuu)

En argent comme en amoureeeeeeuuuu,

(Oui, aussi en amoureeeeeeuuuu)

Il ne sait pas investireeeeeeeuuuuuu!!!!

(Investireeeeeeeuuuuu!!!!)"

L'homme s'avance: "C'était un communiquéééééééééé"

Tous en chœur: "ARP Télécom!!!!!"

La lumière s’éteint, l’acte II va commencer.

(à suivre)


Xi, avec la participation gracieuse de Ludwig von B.